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- Rétro-activité des lois : c'est non !

LA LOI EST-ELLE RETROACTIVE ?

La loi est le texte voté par le Parlement, c’est-à-dire l’assemblée Nationale et le Sénat, conformément à l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958. La rétroactivité revient à se poser la question suivante: « lorsqu’une loi nouvelle entre en vigueur, peut-elle s’appliquer à des faits et actes juridiques antérieurs à cette entrée en vigueur ?» L’article 2 du Code civil déclare : « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif ». Ce texte répond au souci du législateur de ne pas bouleverser la sécurité des justiciables. En effet, ceux-ci ont pu créer une situation en connaissant la législation qui lui était applicable, et il ne serait pas équitable de modifier les effets voulus par eux en imposant les effets de la loi nouvelle.

Ce principe de non-rétroactivité de la loi ne puise pas sa source dans une règle constitutionnelle. Il en était autrement autrefois, ainsi, dans la Constitution du 5 fructidor an III, l’article 14 avait fait de ce principe une règle constitutionnelle « Aucune loi ni criminelle, ni civile ne peut avoir d’effet rétroactif ». Il y a là une origine historique : la loi du 17 nivôse an II sur les successions avait apporté une grande perturbation, du fait du caractère rétroactif de la loi. C’est en souvenir de cette perturbation que la Constitution de l’an III adopte le principe de non-rétroactivité des lois.

Depuis, ni la déclaration des Droits de l’homme et des citoyens de 1789, reprise dans le préambule de la Constitution de 1958, ni la Constitution de 1958 elle-même, ne font état de la rétroactivité des lois sauf la non-rétroactivité des lois pénales « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée», et la règle ne se trouve que dans le Code civil (art. 2) et dans le Code pénal (art. L. 112-1 al.3).

A qui s’impose la règle ? La règle n’étant pas inscrite dans la Constitution, elle ne lie pas le législateur et ce dernier peut ainsi faire des lois rétroactives. En revanche, elle lie les autorités exécutives. Il en découle que les autorités exerçant le pouvoir réglementaire ne pourraient donner effet rétroactif à un règlement, même si celui-ci est édicté dans le domaine réglementaire en vertu de l’article 37 de la Constitution. La non-rétroactivité est en effet une garantie fondamentale des libertés publiques, rentrant dans le domaine législatif (art. 34 de la Constitution). Seule la loi peut y déroger.

Ce principe de non-rétroactivité subit en conséquence des aménagements dans la mesure où il n’est pas possible de soumettre indéfiniment une situation particulière à une loi ancienne alors que la même situation créée plus tard serait soumise à la loi nouvelle.

Il y a donc lieu de distinguer d’une part, les situations où le principe de la non-rétroactivité est applicable (I) puis dans un second temps, de définir les situations exceptionnelles où le législateur écarte ce principe fondamental et ainsi crée des lois rétroactives.

I. PRINCIPE DE NON-RETROACTIVITE DES LOIS

Le principe de non-rétroactivité peut porter à la fois sur des situations légales ou contractuelles.

A) Les situations légales

À chaque fois que la loi est intervenue dans un domaine précis, exemple le mariage, la filiation, les successions, les conséquences passées restent soumises à la loi ancienne.

En conséquence, on ne va pas pouvoir appliquer la loi nouvelle à des actes ou des faits juridiques qui se sont passés antérieurement à son entrée en vigueur.

Exemple : une succession est ouverte en 1916, le partage est fait et l’actif successoral est mis en la possession de collatéraux du 8° degré. En 1917, une loi du 31 décembre (art.755 du Code civil) modifie la loi ancienne et dispose qu’en principe, les parents collatéraux au-delà du 6° degré ne se succèdent pas. Il va de soi que la succession déjà ouverte ne sera pas soumise au texte nouveau. Celui-ci ne s’appliquera qu’aux successions qui s’ouvriront ultérieurement.

Justification de la règle : la règle de la non-rétroactivité des lois est une règle essentielle qui tend à protéger la liberté de l’homme contre la loi. Il n’y aurait en effet aucune sécurité pour les particuliers si, alors qu’une loi est exécutoire et qu’ils se sont conformés à ses dispositions, on pouvait remettre en question les actes passés par eux conformément aux prescriptions légales. La loi est un ordre du législateur, Or, un-ordre ne peut valoir que pour l’avenir.

En revanche, les conséquences futures de la situation donnée seront soumises à la loi nouvelle, c’est ce qu’on appelle l’effet immédiat de la loi nouvelle.

Exemple: si le mari pouvait jadis, comme titulaire de la puissance maritale, contrôler la correspondance de sa femme, aujourd’hui il ne peut plus le faire. Depuis les lois du 18 février 1938 et 22 septembre 1942, la puissance maritale est abolie, et la femme mariée est devenue « capable ». Par conséquent le mari ne pourra plus exercer ce contrôle, même si le mariage a été célébré avant 1938 ; de même pour l’exercice d’une activité commerciale par la femme mariée.

B) Les situations contractuelles

Pour les situations contractuelles (exemple : une vente de meubles entre deux particuliers), les conséquences passées et futures restent régies par la loi ancienne afin de respecter la volonté des contractants telle qu’elle s’est manifestée au jour de la conclusion du contrat. En effet, l’art. 1134 du Code civil rappelle que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Ainsi le contrat de mariage est la loi des époux, le règlement de copropriété est la loi de l’immeuble.

Il ne serait pas bon que le législateur puisse ainsi bousculer à tout moment les relations contractuelles. Ainsi admet-on que la loi nouvelle ne s’applique pas, en principe, aux contrats en cours, pas plus dans leurs conséquences futures que dans leurs conséquences passées. Il n’y a donc, en règle générale, ni effet rétroactif, ni effet immédiat de la loi.

Cependant le législateur peut invoquer « l’ordre public » pour que la loi nouvelle s’applique immédiatement aux conséquences futures des contrats en cours d’exécution. Ainsi en matière de baux d’habitation et des rapports propriétaires/locataires d’appartements, il est fréquent que le législateur prévoie que la loi nouvelle s’appliquera aux contrats de location en cours afin de généraliser rapidement les effets de sa politique du logement (Loi MALANDAIN du 6 juillet 1989).

Comme nous l’avons souligné précédemment, la règle de non-rétroactivité n’a pas valeur constitutionnelle et le législateur a la faculté d’y déroger.

II. LES EXCEPTIONS AU PRINCIPE

Certaines lois, si la volonté du législateur est clairement exprimée, sont rétroactives, pour protéger l’intérêt général par rapport aux intérêts privés. Il en est ainsi :

  1. Des lois que le législateur rend rétroactives : la Cour de cassation, juridiction suprême de l’ordre judiciaire exige que cette volonté soit manifeste, le Conseil d’État, juridiction suprême de l’ordre administratif se contente d’une volonté implicite. Les traités peuvent aussi déroger au principe de non-rétroactivité.
  2. Des lois d’ordre public dans la mesure où elles présentent un intérêt supérieur : Pour savoir si une loi est d’ordre public il faut consulter l’avant-projet, la proposition, ou le projet de la future loi préparée par le Premier Ministre, car le texte de loi peut le dire, voire se reporter aux travaux parlementaires (débats des assemblées).
  3. Des lois interprétatives : qui précisent le sens d’une loi antérieure. Les lois sont interprétatives lorsque le législateur le dit expressément. Le caractère interprétatif d’une loi ne peut se déduire que de l’intention claire et formelle du législateur de préciser et d’expliquer le sens obscur et contesté d’un texte déjà en vigueur.
    Les lois interprétatives s’appliquent à toutes les situations qui n’ont pas encore été tranchées définitivement par une décision de justice ayant acquis force de chose jugée.
    Exemple: la loi du 9 mars 1919, avait dans son art. 56 accordé aux locataires le droit de faire proroger les baux et locations verbales déjà en cours au début de la guerre, soit le 1er août 1914. On se demandait si cette disposition s’appliquait aux titulaires de baux antérieurs à la guerre, mais venus à expiration depuis et renouvelés. La Cour de cassation avait décidé que non. La loi du 22 octobre 1919, de caractère interprétatif vint préciser que l’expression de baux antérieurs au 1er août 1914 comprenait les baux antérieurs renouvelés depuis.
  4. Des lois pénales plus douces : Lorsque les faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur n’ont pas encore, à cette date, donné lieu à une décision définitive. Une loi plus douce est une loi qui abaisse le taux d’une peine ou rend moins rigoureuse la peine (exemple : la réclusion criminelle à perpétuité au lieu de la peine de mort abrogée depuis 1981, l’émission des chèques sans provision qui était un délit est devenu une contravention) les conditions d’exercice d’une infraction, ou qui supprime une infraction (exemple : la contravention de vagabondage).
  5. Des lois confirmatives : Ces lois viennent valider des actes en vigueur, mais qui sont susceptibles d’être annulés par le juge administratif. Exemple : l’annulation d’un décret nommant plusieurs magistrats à la Cour d’appel de Lyon, ce qui rendait toutes les décisions prises par ces derniers entachés de nullité.

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13/03/2016

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